Charte
RhizomAction, pour qui, pour quoi ?
« Vous tous, ouvriers, artistes et savants, qui avez avec la haine du mal, le désir du mieux-être, la passion de l’affranchissement matériel et intellectuel, luttez avec nous, car la source de nos misères est commune. Tous, nous souffrons de l’accaparement, par quelques hommes, des biens communs à l’humanité ! Restituons donc à tous ce qui est la propriété de tous ; supprimons les maîtres, associons-nous librement pour le travail et pour la jouissance, réalisons ce possible rêve : le communisme appuyé sur la liberté intégrale ! » (Fernand Pelloutier)
RhizomAction, voici le titre que nous envisageons de donner à la revue qui emboîte le pas aux Temps Maudits.
Action, car nous souhaitons que cette revue prépare à l’action, donne matière à agir. L’action la plus élémentaire étant, a contrario de l’accaparement évoqué par Pelloutier, la réappropriation de la pensée, de l’art, de la culture, restaurées en biens communs<ref>Fernand Pelloutier, « Conférence prononcée le 30 mai 1896 », in L’art et la révolte, Paris, Place d’armes, 2002, p. 29. [En ligne] : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1410988v.</ref>.
Rhizom, en référence aux racines-rhizomes, telles que Gilles Deleuze et Félix Guattari<ref>Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, introduction : Rhizome, 1980, Les Éditions de Minuit. [En ligne] : https://www.psychaanalyse.com/pdf/MILLE%20PLATEAUX%20GILLES%20DELEUZE%20FELIX%20GUATTARI%20(%2015%20Pages%20-%20381%20Ko).pdf.</ref> puis Édouard Glissant les évoquent<ref>Édouard Glissant, extrait d’un entretien avec Laure Adler, "L’invitation au voyage", Paris, 2004. [En ligne] : http://www.edouardglissant.fr/identiterhizome.html.</ref>. Nous allons donc rhizomer. De quoi s’agit-il ? “Rhizome”, c’est une idée, une intention, une manière de penser : en réseau. De se développer, de croître par le milieu. Horizontalement. Comme l’herbe. Une manière de penser comme l’herbe pousse, de tous les côtés. Par le milieu, le cœur Sans ordre. De penser dans l’ordre où les choses se découvrent. De renouer avec la nature de l’expérience. D’explorer des chemins de pensée inattendus, inédits, inouïs. Penser en rhizome. Penser le mouvement, le multiple pour retrouver le naturel, pour renouer avec l’immédiat, pour se défaire des conditions ordinaires soumises aux présupposés, aux illusions, aux injonctions, aux clichés qui nous coupent de notre vécu immédiat. Penser le multiple, être soi-même, une multiplicité, c’est “penser rhizome”. C’est remettre en question l’ordre des choses, en particulier lorsque ces choses sont ordonnées par des logiques argumentaires et nourries par des idéologies figées.
Dans Mille Plateaux, G. Deleuze et F. Guattari disent que l’abeille et l’orchidée font rhizome. On fait rhizome comme on suit un chemin de lutte. Comme on entre en guerre. Une guerre contre un ennemi à mille têtes, contre le capitalisme, ennemi polymorphe qui prospère et s’agrège, qui s’accommode et détourne nos luttes à ses fins. Depuis sa formation, le capitalisme a changé sa nature. “Faire rhizome”, c’est mettre en déroute le fatalisme de son monde, c’est tenter de prendre des chemins de traverse, de prendre, à revers, des chemins détournés, des contre-allées, des chemins de pensée inattendus, inédits, inouïs, de refuser son désenchantement, de casser le jeu des intérêts individuels comme l’herbe pousse dans les plis des routes. C’est entrer dans des narrations partagées, mélanger, enchevêtrer des outils scientifiques à des imaginaires, enchevêtrer des imaginaires à des témoignages pour former des preuves et nourrir de nouvelles hypothèses, de nouveaux chemins de pensée, de nouveaux chemins de lutte. De ces savoirs chauds et froids tout confondus gronde un orage nous dit Franck Lepage<ref>Franck Lepage, Inculture(s) 1 « L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu… », [En ligne] : https://conferences-gesticulees.net/conferences/incultures-1-leducation-populaire-monsieur-nen-ont-voulu-histoire-de-culture/.</ref>. Il en découle une mémoire. Une mémoire des luttes. Une mémoire comme un savoir, des savoirs utiles, des savoirs d’où peuvent germer des actions collectives. Faire rhizome comme l’école buissonnière, pour apprendre de nos luttes. Avec ses narrations et ses savoirs enchevêtrés. Le désir révolutionnaire mis en commun est source de savoir pour nos luttes à venir.
Édouard Glissant reprend l’image du rhizome développée par Deleuze et Guattari pour explorer la notion d’identité plurielle, en opposition à l’identité racine, — ou à l’image affligeante d’identité —, souche. La racine rhizome est aérienne, voyage, s’étend et fait racine un peu plus loin. Elle débouche sur le multiple, et surtout ne nuit pas aux autres racines comme peut le faire une racine unique. Glissant oppose les cultures ataviques — à racine unique, et les cultures composites, nomades, multiples, mobiles. Cela vaut pour les cultures, pour les origines géographiques, pour les classes sociales : il est possible d’aimer la crème fraîche et l’huile d’olive, et même de se revendiquer des deux. Il est possible de tisser des connivences sincères avec des personnes de milieux différents.
Les images élaborées par Deleuze, Guattari et Glissant nous inspirent pour la trame de notre revue : nous souhaitons privilégier une pensée multiple, un regard nomade, qui se développe par analogie, de proche en proche. Nous espérons, pour rendre compte des complexités de notre société, établir des cartes qui se déploient, qui offrent des images différentes selon leurs plis et déplis. Nous tenterons d’appréhender les réels autant à travers des histoires de vie que des argumentaires. Nos objectivités seront temporaires, relatives, elles pourront être bousculées par l’expression de perceptions, d’imaginaires, de rêves.
Nous sommes conscients de deux risques : l’un est la comparaison abusive, l’autre l’incantation. Comparaison n’est pas raison, et nous ne pouvons oublier les dérives de la pensée de l’anthropologue, lorsqu’il veut calquer et catégoriser les cultures humaines à la manière du botaniste. Une société ne saurait être considérée en groupes et sous-groupes étanches, permanents et immobiles. La classification des botanistes ne peut rendre compte de la dynamique, de la capacité de transformation des groupes culturels, sociaux, politiques. Au final, nous ne pouvons opposer la racine unique à la racine rhizome, lorsque nous tentons de comprendre des comportements humains.
Par ailleurs, brandir des figures remarquables, Deleuze, Guattari, Glissant, ne saurait garantir la qualité de nos raisonnements. Mais s’efforcer d’adopter une pensée rhizomatique, labile, multiple, devrait justement nous permettre de ne pas nous enfermer dans une seule ligne, de nous résoudre toujours à nous défaire de nos premiers appuis.
Dans une revue rhizome, à entrées multiples, l’ordre de lecture est interchangeable, interdisciplinaire, interconnecté, inconscient. La lecture peut se faire par n’importe quel côté. Par le milieu, sans commencement ni fin. Elle peut passer d’un sujet à l’autre. D’un savoir à l’autre. D’une expérience de vie. D’un récit de vie à l’autre. D’un savoir livresque à un poème, à une étude. D’une étude à l’autre. Scientifique ou musicale. Sans que l’une ou l’autre ne s’exclue. Sans que l’une prenne le dessus sur l’autre. Car elles font rhizome.
Quel spectre idéologique ?
1- Publier une revue pour et par les camarades de la CNT, ouverte à des contributeur.rice.s extérieur.e.s à la CNT
2- Rejeter les débats sous-tendus par la domination de personnes, de groupes et de genre
3- La revue se réserve le droit de refuser un article s’il ne respecte pas la présente charte ainsi que la charte graphique.
4- La revue est composée d’un comité de rédaction (CR) et d’un comité de lecture (CL).
5- Le comité de rédaction est une émanation de 2ESR. La composition du comité de lecture est variable selon la thématique choisie pour chaque numéro. Tout camarade volontaire et membre de la CNT peut en faire partie. Le comité de rédaction s’accorde la possibilité d’inviter des non-cénétistes à rejoindre le CL
6- Les articles ne sont pas anonymisés, excepté lorsque la sécurité des auteur.ice.s est engagée.
7- Afin d’identifier les auteur.ice.s et de déterminer si la proposition d’article est dans la cible du numéro, chaque contributeur.rices proposera un résumé (d’une page maximum) qui sera lu par le CL. Si la proposition est retenue, les futurs articles reçus seront alors attribués à l’un.e des membres du comité de lecture (CR ou membre extérieur) qui deviendra alors, lecteur référent (êtes-vous d’accord pour l’emploi de ce terme ? oui (ml)). Chaque lecteur rérérent du CL fera un compte rendu de l’article sur un document partagé. La réunion du CL prendre la décision finale.
8- Toute correspondance sera faite depuis l’adresse de la revue.
Notes[edit]
<references />